Lu dans le Monde en date du 16 novembre, sous la plume de Stéphane Lauer :
Les nominations politiques dans la sphère économique se suivent, mais ne se ressemblent pas. On a eu droit au camarade de promotion (Jean-Pierre Jouyet) à la Caisse des dépôts, à l’invité surprise qui ne fâche personne (Nicolas Dufourcq) à la Banque publique d’investissement, et, enfin, à l’atterrissage d’urgence à la tête d’Aéroports de Paris du chiraquien Augustin de Romanet.
Qu’en sera-t-il chez Thales? Le dossier constitue en tout cas une bonne occasion pour l’Etat de jouer pleinement son rôle de premier actionnaire avec 27% du capital d’une entreprise, qui porte des enjeux de souveraineté évidents.
Jusqu’à cet été, le remplacement de Luc Vigneron à la tête du groupe d’électronique spécialisé dans la défense n’était pas au programme – son mandat courant jusqu’en 2014. Mais en trois ans, le PDG a réussi à monter tout le monde contre lui. Même Dassault, deuxième actionnaire avec 25,9% du capital, qui avait œuvré pour sa nomination, a fini par le lâcher cet été.
En cause, sa réorganisation du groupe menée à la hussarde, qui, loin d’améliorer les performances, a conduit à déstabiliser syndicats et dirigeants. Enfin, ceux qui restent. Car depuis son arrivée, c’est l’hécatombe. Après s’être coupé du reste de la société, M.Vigneron, en voulant faire simple, a fini par faire simpliste. Le choix de réorganiser le groupe non plus par métiers mais par zones géographiques laisse dubitatifs les spécialistes du secteur. Quant au passage des ressources humaines sous la coupe de la division des opérations, il a fait voler en éclats le dialogue social dans l’entreprise. Pour l’Etat, la délocalisation des activités radars vers Singapour a été le projet de trop
Face à ce concert de mécontentements, Dassault à dû se résoudre à lancer, en concertation avec l’Etat, un processus de succession. Les candidats ne manquent pas. Reste à se mettre d’accord sur un nom. Sous la présidence Sarkozy, Dassault avait eu la main sur le choix de M.Vigneron. Avec le succès que l’on sait. L’Etat serait bien inspiré cette fois de peser sur la nomination, même si celle-ci doit rester «Dassault compatible».
Après le «tsunami» imposé par M.Vigneron, un peu de sérénité ne ferait pas de mal. De ce point de vue, Pascale Sourisse, qui vient de l’interne et a l’expérience nécessaire, dispose d’atouts. Seul défaut aux yeux de Dassault: une certaine indépendance d’esprit.
A l’Etat de convaincre qu’il s’agit d’une qualité pour que Thales retrouve une stratégie digne de ce nom. Dassault est un gros actionnaire, mais il n’est pas seul. L’Etat, avec 40% de droits de vote, peut s’offrir une crédibilité à bon compte en matière de nomination.
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